La coupe illégale de bois, une réalité internationale – Selon Interpol, l’exploitation forestière illégale représente aujourd’hui entre 15 et 30% des volumes des bois commercialisés dans le monde. Cette saignée se pratique à 80% dans les trois plus grands couverts forestiers du monde: l’Amazonie, l’ile de Bornéo et le bassin du Congo. Aucun pays d’Afrique Centrale qui opère dans la sylviculture n’est épargné. En RDC, le plus grand pays du continent en superficie, 10% seulement du secteur est le fait d’entreprises légales ; le reste travaille dans l’informel et ne génère aucune rentrée fiscale pour l’Etat congolais. Selon les statistiques officielles, 300.000 m3 de bois sont officiellement vendus par an alors qu’on estime entre 3 à 4 millions de m3 la production vendue sur le marché local ; sans compter le million de m3 transférés clandestinement chez les voisins.
Plus de 65% des exportations de la RDC et du Cameroun seraient des coupes illégales c’est-à-dire sujet à un dépassement des quotas de coupe, ou un non-paiement des taxes, ou encore un abattage d’essences protégés, voire un non-respect des cahiers des charges passés avec les communautés forestières.
Cette filière de coupes illégales est gangrenée par des puissants réseaux criminels organisés. Leurs hommes de main n’hésitent pas à terroriser les populations autochtones voire à exproprier de force les propriétaires des lieux. Des exploitants récalcitrants ou des militants (Brésil, Congo, Indonésie) ont payé de leur vie pour avoir essayé d’entraver leurs activités. Lutter contre ce fléau relève d’une mission presque impossible mais parsemée de quelques succès méritoire. En témoigne cette cargaison de 750 m3 de bois camerounais saisis sur un bateau au Congo Brazzaville. Plus de 2/3 du volume (520m3) provenait de coupes illicites ; donc détruits à la suite de l’arraisonnement du navire par les autorités congolaises. Le mode opératoire des trafiquants est connu de toutes les autorités mais difficilement détectable. David Stewart, le spécialiste des crimes écologiques au sein d’Interpol, le décortique ainsi. Dans un premier temps, il suffit de «gonfler» les volumes commercialisables qui permettent d’obtenir des quotas supplémentaires. Ensuite, le bois « sale » sera mélangé avec bois «propre» le plus rapidement possible en transférant la coupe illégale vers une zone d’abattage réglementée ou la scierie la plus proche.
Le paradoxe est que les consommateurs finaux dans les pays riches sont loin d’imaginer que lorsqu’ils achètent du bois, ce produit pourrait avoir une provenance douteuse voire illégale au même titre que la cocaïne. Mêmes les importateurs occidentaux vous affirment que les essences de leurs stocks portent le sceau d’une garantie environnementale souhaitable, comme le stipule la réglementation RBUE (Règlement sur le Bois de l’Union Européenne) de 2013. Elle impose aux négociants et importateurs de faire preuve « d’une diligence raisonnée » c’est-à-dire de vérifier si le bois a été coupé légalement. Dès 2003 l’Union Européenne a signé un système d’Accords de Partenariat Volontaires (APV) avec des pays exportateurs de bois pour mieux contrôler l’exploitation forestière. Cela n’a jamais pu empêcher le trafic de bois illégal. Le bois de rose de Madagascar – essence très prisée en Chine pour la fabrication de meubles traditionnels – est sous embargo international depuis 2010. Malgré cette mesure drastique, les volumes saisis dans les ports d’Afrique Australe et d’Asie n’ont jamais diminué. Une pièce de 10 mètres quitte la Grande Ile pour 15 USD, une fois transformée, sa valeur atteint les 1.000 USD.
Le fabricant américain de la légendaire guitare Gibson a été mis à l’amende – en 2009 – à la suite d’une descente des services de contrôle dans ses usines. Elles ont été soupçonnées d’avoir utilisé du bois de rose de Madagascar et du bois d’ébène d’Inde. Que vaut une sanction de 300.000 USD face à une plus-value exorbitante ? Gibson a même fait pression au sein du Congrès américain pour que cette assemblée infléchisse certaines dispositions du Lacey Act qui obligent les importateurs américains à déclarer la provenance de leurs intrants.
Source: Diaspora news N°71 (Ecrit par Alex Zaka)